Les plus belles réalisations de cet artisan, et bien d’autres encore, se trouvent dans le livre "Les armuriers Liégeois à travers leurs réalisation.

1800 - 1950".

Pour tous les détails voir : LES ARMURIERS LIEGEOIS

La fabrique d’armes Eugène Lefaucheux à Liège

 

Guy Gadisseur et Guillaume Van Mastrigt

 

L’existence d’une fabrique d’armes Eugène Lefaucheux à Liège dans les années 1865/1873 est fort peu connue des Liégeois et de nos amis français, amateurs d’armes ou non !

La découverte de documents d’époque, exceptionnels et rares, relatifs à cette fabrique d’armes étant parvenus à notre connaissance, il nous est apparu intéressant d’en diffuser le contenu.

Certains textes au contenu légal de peu d’intérêt dans l’histoire de l’entreprise, ont été édulcorés (*).

 

Les biographies

 

Eugène Gabriel Lefaucheux est né à Paris le 14 septembre 1832 et décédé à Cannes le 24 mars 1892.

A l’instar de son père Casimir, Eugène est devenu un fabricant d’armes célèbre en France.

Sa relation avec Liège semble débuter en 1855 alors qu’il fait élection de domicile en cette ville, cour des Minimes, 6 chez un sieur Lerutte. Néanmoins, certaines sources font état qu'à l'âge de 19 ans, en 1852, Eugène aurait fait un stage d'ajusteur à Liège.

Cette domiciliation est essentielle pour Eugène car il est obligatoire d’être domicilié en Belgique pour être autorisé à déposer un brevet belge.

Et c’est ce qu’il fait le 19 septembre 1855, en déposant le brevet numéro 1844 pour des perfectionnements apportés dans le mécanisme du célèbre revolver modèle 1854.

Il en déposera encore d’autres (16 au total) dont en 1858 le brevet numéro 6003 visant à l’amélioration du revolver double action, ce brevet ne sera jamais déposé en France ?

Eugène tient à se protéger de ces nombreux armuriers liégeois, capables de copier n’importe quelle arme avec brio, rapidement et à peu de frais.

Et c’est ce qu’il se passe en 1860, lorsqu’il intente un procès en contrefaçon devant le tribunal de commerce de cette ville contre le nommé Servais Mariette qui est un des fils de Guillaume Joseph Mariette, bourgmestre de Cheratte (province de Liège) inventeur et fabricant d’armes réputé.

Servais Mariette est d’ailleurs interpellé un samedi alors qu’il apporte ses armes contrefaites à Liège. L’issue de ce procès n’est pas connue mais laisse peu de doutes sur la condamnation du contrefacteur.

Au cours de ce procès, il est probable que c’est à cette occasion qu’Eugène fait la connaissance de  l’expert en armes nommé par le tribunal de commerce, à savoir Gustave Bronne, fabricant d’armes.

Ce dernier lui présentera vraisemblablement son frère Joseph, ingénieur civil, d’où naîtra une relation de plusieurs années.

 

Joseph Bronne est né à Liège le 10 septembre 1830 et décède à Paris le premier juillet 1908.

Il est diplômé ingénieur civil de l’université de Liège en 1852.

Il a travaillé à Pont-Péan près de Rennes chez Caille et pour Gévelot fabricant de cartouches. En 1856, il monte, sans succès, une petite papeterie à Guegon dans le Morbihan.

L’affaire est reprise en 1860 par son beau-père François Cabasson.

Au décès de ce dernier en 1868, Bronne reprend la papeterie Cabasson rue Joubert à Paris, société qu’il dirigera jusqu’à sa mort.

Joseph Bronne n’aurait quitté la société Lefaucheux qu’en 1869 car il signe encore un brevet au nom de Lefaucheux le 7 juin 1869 (brevet no 25686)

 

Marie, Gustave Bronne, frère du précédent, est né à Liège le premier septembre 1832 et y décèdera le 16 avril 1910. Il sera fabricant d’armes à Liège rue Darchis puis rue Mont Saint Martin, 50 et sera inscrit aux registres des fabricants du banc d’épreuves de Liège de 1859 à 1883.

De 1865 à 1883, il déposera quatre brevets d’inventions armurières.

Il est fort probable que Gustave Bronne soit devenu l’agent de Lefaucheux à Liège.

L’hypothèse se confirme par le fait qu’il obtient de Lefaucheux une procuration, en date du 16 juin 1873, pour la vente de la fabrique de Liège le 9 octobre 1873 au sieur Lambert Dacier. (Voir ci-dessous)

 

Les débuts de la fabrique de Liège

 

En 1864, Lefaucheux propose à Joseph Bronne la direction de la fabrique d’armes qu’il va installer à Liège. Ce dernier accepte l’offre et signe le contrat ci-dessous.

 

Premier contrat de travail du 19 décembre 1864

 

Entre les soussignés :

 

Messieurs E. Lefaucheux & Cie, fabricant d’armes, demeurant à Partis, rue Lafayette, 194, nouveau d’une part ; et Monsieur Joseph Bronne, ingénieur civil, demeurant à Paris, rue Caumartin, 60 d’autre part.

M/M. Lefaucheux & Cie désirant installer à Liège (Belgique) des ateliers pour la fabrication des armes, ont offert à M. Bronne d’en prendre la direction ; en conséquence, il a été fait et arrêté les conventions suivantes :

Article 1er – A partir du premier janvier mil huit cent soixante cinq (1865), M. Bronne sera attaché à la société Lefaucheux & Cie., et ce pour toute la durée de la société qui expire le premier janvier mil huit cent quatre vingt neuf.

Article 2 – M. Bronne s’occupera particulièrement de la direction des ateliers et de la maison de Liège où il aura sa résidence habituelle ; néanmoins, il pourra être appelé par la société à s’occuper, soit des ateliers de Paris, soit en général, de toutes les affaires de M.M. Lefaucheux & Cie., où son concours serait reconnu nécessaire, étant entendu que ses frais de voyage lui seront remboursés par la société.

M. Bronne sera tenu de consacrer tout son temps et tous ses soins aux affaires de la société.

Article 3 – De leur côté M.M. Lefaucheux & Cie garantissent à M. Bronne, et ce pendant toute la durée du présent traité, les avantages suivants :

1. Un traitement fixe annuel de dix mille francs, payable par douzième, de mois en mois ;

2. Un logement convenable pour lui et sa famille, situé autant que possible à proximité des ateliers, ainsi que les frais de chauffage et d’éclairage.

3. En outre, M. Bronne aura droit à un prélèvement de cinq pour cent (5%) sur les bénéfices net réalisés dans toutes les opérations de la société tant à Paris qu’à Liège, les inventaires continuant d’être établis d’après les errements habituels usités dans la comptabilité de la société, c'est-à-dire que les bénéfices nets ressortiront après déduction d’un intérêt de six pour cent (6%) sur le capital social, et d’un amortissement de vint pour cent (20%) sur le matériel et le mobilier, étant entendu que les immeubles ne sont pas grevés de cet amortissement.

Le montant de ces cinq pour cent (5%) sera payable à chaque inventaire annuel. Néanmoins et par exception, jusqu’à la fin de l’année mil huit cent soixante neuf (1869), les premiers cent mille francs de bénéfice réalisés chaque année par la société seront exempts de ce prélèvement. A partir du premier janvier mil huit cent soixante-dix (1870) M. Bronne aura droit, comme il est dit ci-dessus à la somme de cinq pour cent (5%) sur tous les bénéfices. En cas de décès de M. Bronne, sa veuve ou ses enfants auront droit à la totalité de la part bénéficiaire lui revenant pour l’année courante seulement. Ses appointements seuls s’arrêteront à l’époque de son décès.

Article 4 – Dans le cas où, contre toute attente la maison Lefaucheux & Cie., perdrait pendant deux années consécutives, une somme de cinquante mille francs par an, les parties contractantes auraient le droit de résilier le présent traité.

Article 5 – Dans le cas où M. Bronne serait obligé de quitter la société Lefaucheux & Cie. Soit par suite des pertes prévues par l’article 4eme, soit pour cause de dissolution de la société M.M. Lefaucheux & Cie. Devront à M. Bronne, pour toute indemnité, une somme de vingt mille francs (20.000 Frs).

Article 6 – En dehors des circonstances prévues par l’article 5e, toutes les difficultés, toutes les questions de dommages ou indemnité auxquelles pourrait donner lieu le défaut d’exécutions des présentes, seront réglées par arbitrage de la manière déterminée par les articles 51 et suivants du Code de Commerce.

Article 7e – Dans le cas où avant l’expiration des présentes et contre la volonté de M.M. Lefaucheux & Cie., M. Bronne viendrait à quitter la société sans cause déterminante ; il serait tenu de payer à M.M. Lefaucheux & Cie., une somme de dix mille francs (10.000 Frs) pour toute indemnité, de plus, il lui serait interdit de s’occuper, soit directement, soit indirectement d’aucune espèce de fabrication d’armes à feu et cela pendant les cinq années qui suivraient sa sortie de la maison Lefaucheux & Cie.

Fait en double à Paris, le 19 décembre 1864.

(Ont signé) E. Lefaucheux & Cie. – Joseph Bronne.   

 

Procuration de Lefaucheux à Bronne J. du 8 mars 1865

 

Par devant M. Louis Girardin et son collègue, notaires à Paris, soussignés.

A comparu

Monsieur Eugène Gabriel Lefaucheux, fabricant d’armes, demeurant à Paris, rue de Lafayette, n° 194.

Agissant au nom et comme seul gérant de la société en nom collectif et en commandite « E.Lefaucheux & Cie » dont le siège social est à Paris, rue de Lafayette, numéro 194 nouveau et 104 ancien.

Lequel, a par co-présentes, constitué pour son mandataire M. Charles Joseph Bronne, ingénieur civil, demeurant à Liège.

Auquel il donne pouvoir de pour lui et en son nom, et qualité quel agit ci-dessus.

Diriger l’exploitation de l’Etablissement quel a dite société vient de créer à Liège, quai de Fragnée, 392 pour la fabrication des armes.

En conséquence, faire et suivre toutes les opérations commerciales et autres que pourra comporter et nécessiter cette exploitation, notamment faire et surveiller tout ce qui se rattachera à la fabrication ; faire tout acheter de matières et objets nécessaires à cet effet, faire toutes ventes des armes fabriquées, se charger de toutes commissions et fournitures ; passer tous marchés, les exécuter ; tenir ou faire tenir les registres, la comptabilité et en général toutes les écritures ; signer la correspondance, choisir, nommer, révoquer ou remplacer tout comptables, agents, employés ou ouvriers. Etc.

 

Nous le voyons Eugène Lefaucheux est un personnage procédurier, tous les actes relevant de la gestion et la direction de l’entreprise liégeoise sont passés devant notaire.

 

Achats et locations

 

A une date indéterminée mais vraisemblablement en 1865 après l’achat de la fabrique de Liège, Lefaucheux loue un magasin de vente d’armes à Liège rue d’Amay, n° 10. Nous ignorons par qui il sera géré et combien de temps il subsistera.

 

Le 2 mars 1865, Eugène achète, au nom de la société E.Lefaucheux & Cie, à Mr Louis Théophile DELAME-DELHEZ, rentier à Liège, pour la somme de 49.000 FR comptant, les bâtiments du 13 Quai de Fragnée anciennement no 392,  sur un terrain de 1926 m² dont 32,22 m² sont revendu à l’Etat belge pour l’alignement de la route de Liège

 

Achat le 22 août 1865, au Baron de Gossuin, la mitoyenneté d’un mur en brique épais de 0.50 m x 37.7 ml x 1.99 m de haut pour 561 FR.

 

La liquidation de la Société E. Lefaucheux et Cie le 10 août 1867 entraîne la vente aux enchères le 31 août 1867, de tous les bâtiments parisiens et liégeois de la société.

Un seul acheteur se présente à la vente : Eugène Lefaucheux, lequel en son nom propre emporte l’enchère des bâtiments liégeois pour 50.050 FR + les frais.

 

Une seconde vente aux enchères a lieu à Paris le 28 septembre 1867 pour le matériel d’une valeur de 52.702 Frs. L’enchère est adjugée à 5.000 Frs et est à nouveau emportée par Eugène qui réalise là une juteuse affaire.

 

Description des lieux

 

L’immeuble est situé à Liège quai de Fragnée, n° 13 (3) sur un terrain d’une contenance de 1.700 mètres environ, avec 23 mètres de façade sur le quai et une profondeur de 105 mètres environ dans la partie la plus longue.

Elle est close sur le quai par un mur d’appui avec grille et porte charretière.

Sur le devant, un petit jardin d’agrément.

 

Les bâtiments se composent :

1° D’un bâtiment d’habitation sur le devant, composé d’un rez de chaussée, premier et deuxième étage ; une petite aile contenant écurie et communs.

2° De la fabrique située au fond du terrain, et séparée par un jardin du bâtiment d’habitation.

Cette fabrique est divisée en atelier, bureau, magasin, forge et bâtiment de la machine.

Dans une petite cour à la suite, ayant accès sur la rue par une porte charretière, se trouvent divers hangars.

Le tout tient d’un côté à la famille de Gossuin, de l’autre à M. Jules Collette, par devant au quai de Fragnée, et par derrière à la route de Liège à Namur (4).

 

Autorisation d’installation d’une machine à vapeur du 05 juillet 1865

 

Cette autorisation émanant du Gouvernement Provincial de Liège, est libellée comme suit :

N° 4273.

Etablissements industriels

Machines et chaudières à vapeur

Placées à demeure

 

La Députation permanente du Conseil Provincial

 

Vu, avec les plan et dessin y annexés, la demande du sieur Bronne, au nom de la maison Lefaucheux & Cie à Paris, tendant à obtenir l’autorisation d’établir une machine et une chaudière à vapeur dans une propriété sise quai de Fragnée à Liège.

Vu l’arrêté royal du 21 avril 1864 ;

Vu le procès-verbal de l’enquête de commodo et incommodo, constatant que cette demande n’a soulevé aucune opposition ;

Vu l’avis du Collège des Bourgmestre et Echevins de la commune de Liège et celui du fonctionnaire, chef de service des machines à vapeur, en date du 26 juin 1865, n° 9354,

ARRETE :

Art. 1er. Les Ste E. Lefaucheux et Cie sont autorisées à établir, conformément aux plans et au dessin ci-annexés, dans une dépendance de la maison sise à Liège, quai de Fragnée 392 (5) à l’effet d’activer des appareils destinés à la fabrication des pièces d’armurerie, une machine à vapeur de la force de dix chevaux et une chaudière timbrée à dix atmosphères.

Les impétrants seront tenus de prendre à l’intérieur de leurs ateliers, toutes les dispositions hygiéniques dans l’intérêt de leurs ouvriers.

Ils mettront à profit, pour cet objet, toutes les améliorations que la science indique ou viendrait à indiquer par la suite.

Ils se conformeront aux dispositions et aux mesures de précaution ci-après, savoir : -------

5 Juillet 1865. (6)

Lefaucheux est un convaincu de la mécanisation dans l’armurerie. Il a déjà équipé ses ateliers parisiens d’une machine à vapeur d’une puissance de 10 chevaux permettant d’actionner des petits tours en l’air ou à chariots, des perceuses et des fraises. Ces machines actionnées par un personnel peu au fait de la fabrication armurière, mais qui sera vite familiarisé à faire le service de plusieurs machines à la fois. Il en résulte un gain de temps et un gain sur les salaires moins élevés que les armuriers confirmés chargés du montage des quelques 140 à 150 revolvers produits chaque jour.

Nul doute que LEFAUCHEUX ait exigé les mêmes dispositions pour la fabrique de Liège, on ne change pas un système qui a fait ses preuves.

 

La fabrication

 

C’est bien entendu le modèle 1854 amendé de diverses améliorations qui sera produit au début dans cette petite fabrique mais les autres modèles tels que le revolver à 20 coups y seront également fabriqués par la suite (7).

Le modèle Lefaucheux 1854 liégeois, ainsi que les autres modèles, sont parfaitement reconnaissables par la marque E. LEFAUCHEUX INVR BREVETE frappée à gauche du tonnerre mais aussi par les poinçons d’épreuves liégeois comme le poinçon d’acceptation ELG sur étoile dans un ovale et une lettre sous couronne qui est la contremarque du contrôleur en usage de 1846 à 1877.

 

Un bon nombre des armes fabriquées à Liège portent en plus le marquage EL couronné souvent suivi de deux chiffres (67, 68, 69) que nous pensons être des dates de fabrication.

Cette marque EL couronné est bien la marque liégeoise de la fabrique Eugène Lefaucheux à LIEGE, un inventaire de 1867 récemment découvert atteste avec certitude la présence d’un outil de marquage avec ces initiales et couronne !!

 

Procuration de pouvoir de E.Lefaucheux à J. Bronne du 13 octobre 1866

 

Par devant Maître Louis Girardin et son collègue à Paris, soussignés,

A comparu :

Monsieur Eugène Gabriel Lefaucheux, fabricant d’armes, demeurant à Paris, rue Lafayette, numéro cent nonante quatre.

Lequel a par ces présentes constitue pour son mandataire aux effets ci-après,

Monsieur Charles, Joseph, Bronne, ingénieur civil, demeurant à Liège.

Auquel il donne pouvoir de pour les et en son nom, toucher et recevoir tout cassiers ou payeurs où de tous autres qu’un appartiendra toutes les sommes qui peuvent ou pourrons être dues au comparant, par la caisse des consignations de Liège (Belgique) et qui ont été ou seront déposées par lui à la dite caisse.

Toucher également tous intérêts échus ou à échoir, produire tous titres et pièces, faire tous demandes de retrait, déclarations et affirmations.

De toutes sommes reçues donner créances et valables quittances et décharges.

Aux effets ci-dessus passer et signer tous actes, registres, procès-verbaux, bordereaux et émargements, élire domicile et généralement faire le nécessaire.

Dont acte :

Fait et passé à Paris en l’étude de Maître Girardin.

L’an mil huit cent soixante-six le treize octobre,

Et après lecture faite, Monsieur Lefaucheux comparant a signé avec les notaires.

Signés E. Lefaucheux, Potier, Girardin.

Enregistré à Liège, le deux novembre mil huit cent soixante six, volume cent vingt, folio quarante huit verso case huit. Reçu deux francs vingt centimes.

Le receveur (signé) Doviller.

 

Extrait de l’inventaire de 1866

 

Un inventaire réalisé dans la fabrique de Liège en 1866 fait apparaître un capital (immeubles compris) se montant à 254.818,17 francs

La maison de Paris en portant dans son inventaire le capital de la maison de Liège à 219.535,05, s’est appropriée les bénéfices des 8 premiers mois de l’année de la maison de Liège soit 12.691,52.

D’autre part la maison de Paris a pris à sa charge les intérêts de tout le capital ; et la part de Liège est de 12.970 soit une différence en faveur de Liège de 720,96 frs.

 

Procuration de poinçonnage et dépôt de marques du 30 septembre 1867

 

Dans ce nouvel acte notarié Eugène Lefaucheux donne pouvoir à Joseph Bronne de notamment faire, soit au tribunal de commerce de Liège (Belgique) et en tous autres qu’il appartient, soit dans tous autres endroits qu’il sera nécessaire le dépôt légal des marques de fabriques et poinçons dudit sieur Lefaucheux.

Ce document atteste donc que les armes Lefaucheux produites dans la manufacture de Liège porteront une marque spécifique à cette fabrique, mais laquelle ? (EL sous couronne ? Voir ci-dessus).

 

Deuxième contrat de travail du 01 octobre 1867

 

Le 1er octobre 1867, un second contrat de travail intervient entre Eugène Lefaucheux qui a repris complètement la main sur son entreprise et Joseph Bronne, directeur de la fabrique de Liège.

Ce contrat de travail est sensiblement le même que le précédent à quelques détails près, à savoir :

 

Article 3 – De son côté M. Lefaucheux garanti à Monsieur Bronne et ce pendant toute la durée du présent traité, les avantages suivants :

1. Un traitement fixe annuel de six mille francs, payable par douzième, de mois en mois ;

2. Un logement convenable pour lui et sa famille, situé autant que possible à proximité des ateliers, ainsi que les frais de chauffage et d’éclairage.

3. Monsieur E. Lefaucheux reconnaît à M. Bronne le droit à une participation de dix pour cent (10%) dans les bénéfices nets réalisés dans toutes les opérations d’armes et de brevets tant à paris qu’à Liège, les inventaires continuant d’être établis d’après les errements habituels usités dans la comptabilité de l’ancienne société E. Lefaucheux et Cie, c'est-à-dire que les bénéfices nets ressortiront après déduction d’un intérêt de six pour cent (6%) sur le capital engagé, et d’un amortissement de vingt pour cent (20%) sur le matériel et le mobilier, étant entendu que les immeubles ne sont pas grevés de cet amortissements. Le montant de ces dix pour cent (10%) sera payable à chaque inventaire annuel.

A partir du premier janvier mil huit cent soixante neuf (1869), Monsieur Bronne aura droit comme il est dit ci-dessus à la participation de quinze pour cent (15%) dans tous les bénéfices. En cas de décès de Monsieur Bronne, sa veuve ou ses enfants auront droit à la totalité de la part bénéficiaire lui revenant pour l’année courante seulement. Ses appointements seuls s’arrêteront à l’époque de son décès.

 

Art. 5 – Dans le cas où Monsieur Bronne serait obligé de quitter Monsieur Lefaucheux soit par suite des pertes prévues par l’article quatrième, soit pour cause de cessation d’affaires de la part de Monsieur Lefaucheux, ce dernier devra à Monsieur Bronne, pour toute indemnité, une somme de vingt mille francs (20.000 Frs)

 

Article 7 – Dans le cas où avant l’expiration des présentes et contre la volonté de Monsieur Lefaucheux, Monsieur Bronne viendrait à le quitter, il serait tenu de payer à M. Lefaucheux, une somme de dix mille francs (10.000 Frs) pour toute indemnité, de plus, il lui serait interdit de s’occuper, soit directement, soit indirectement, d’aucune espèces de fabrication d’armes à feu et cela pendant les cinq années qui suivraient sa sortie de chez M. Lefaucheux.

 

Procuration du 1er août 1868 permettant de choisir le remplaçant de Joseph Bronne

 

Dans ce document passé à Paris le 1er août 1868, Eugène Lefaucheux autorise Joseph Bronne à déléguer à qui il jugera convenable le droit de le remplacer dans toutes ses fonctions.

 

Epilogue

 

Joseph Bronne a exercé la direction de la fabrique de Liège de 1865 à 1869, époque à laquelle il a semble-t-il quitté son poste de direction et la maison Lefaucheux pour prendre la direction d’une papeterie à Paris léguée par son beau-père.

Aucun document  ne vient attester du paiement du dédit de 10.000 FF.

Joseph Bronne a obtenu le droit de Eugène Lefaucheux de proposer la candidature de son remplaçant et qui donc mieux que son frère Gustave Bronne pouvait assurer cette fonction.

La procuration pour vendre l’immeuble du quai de Fragnée en 1873 et une lettre d’Auguste Francotte du 14 mars 1870 (7) corroborent cette hypothèse.

Gustave Bronne aurait dès lors assuré l’intérim de la direction de la fabrique jusqu’en 1873 date de la vente des bâtiments.

Le 9 octobre 1873, revente à Mathieu Lambert Dacier, industriel demeurant à Dûren, pour la somme de 60.000 FR dont 17.500 FR à la signature, les 42.500 autre payable à hauteur de 7.500 FR /an, dont la première sera exigible et payable deux ans après l’entrée en jouissance et les autres le 1er octobre de chacune des années qui suivront avec faculté de se libérer plutôt. Le tout de manière que le prix soit entièrement soldé le premier octobre 1880 avec 5% d’intérêt par an.

Cet acte de vente présente in fine une mention révélatrice soit : « lesquels ont par les présentes constitué pour leur mandataire, Monsieur Marie Gustave Bronne, Fabricant d’Armes à Liège » Celui-ci ne serait donc pas le directeur de la fabrique Lefaucheux de Liège mais bien le fondé de pouvoir.

L’existence de cette entreprise peut sembler bien éphémère mais il faut tenir compte du contexte de l’époque, soit la guerre franco-prussienne de 1870 et de ses suites politiques franco-françaises (chute de l’Empire, la Commune, etc.)

D’autre part, Eugène Lefaucheux a également perdu, et pour cause, la protection bienveillante de Napoléon III et de son demi-frère le duc de Morny.

 

Notes

 

(1) francs français, le contrat étant signé à Paris

(2) Joseph Bronne représentera notamment la compagnie lors d’un procès en contrefaçon à Anvers en 1868, à charge d’un nommé A. Hennen.

(3) actuellement quai de Rome

(4) cet bâtiment a été depuis remplacé par un building.

(5) Ancien numéro changé plus tard en n° 13.

(6) Joseph et Gustave Bronne ont aussi un frère prénommé Louis, vendeur et placeur de chaudières mais aucun document ne vient confirmer l’hypothèse que ce dernier a placé la machine à vapeur quai de Fragnée.

(7) Auguste Francotte fabricant d’armes liégeois bien connu écrit à Eugène Lefaucheux le 14 mars 1870 pour l’informer qu’il a fait prendre chez Gustave Bronne dix revolvers à 20 coups.

 

Remerciements

 

A Emmanuel Bronne de Herstal descendant de la famille Bronne, pour la mise à disposition des photos des frères Bronne, Joseph et Gustave.

 

*  L’intégralité des textes peut se lire sur le site www.lefaucheux.net

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