Sur la route d’Abbottabad

(Ou, les braguettes de Ben Laden)

Vittorio Mangiarotti, fecit

 

C’est l’histoire d’une incroyable poursuite jouée durant une période homérique et sur un écran grand comme le Monde. L’histoire d’un génie du mal qui défie l’armée d’un grand empire. C’est le duel le plus extraordinairement inégal de tous les temps : un seul homme contre l’organisation la plus puissante de la Planète.

A bien y réfléchir, l’histoire de la chasse à Ben Laden atteint une dimension épique qui la rend intemporelle.

Elle est surtout l’ensemble de centaines d’histoires plus petites qui s’encastrent les unes dans les autres pour nous offrir le patchwork du scénario final.  Détails indiscrets, fascinants et révélateurs que les medias ont oublié de nous raconter, certainement à cause du « spread » ou de la conjoncture internationale.

La fumée n’avait pas encore cessé de se lever sur les ruines du World Trade Center que les américains pouvaient se vanter d’avoir enfermé leur ennemi dans la vallée de Tora Bora.

Tout s’était déroulé comme au cinéma, avec autant de journalistes que de militaires tués et ces derniers le plus souvent par le feu… ami !

Alors qu’il aurait suffi de bloquer la seule issue de la vallée et attendre qu’un Oussama affamé vienne béqueter dans la gamelle d’un G.I., l’armée américaine éparpille ses unités pour le dénicher et devient ainsi protagoniste d’une des plus magistrales bévues de toute l’histoire militaire. Si Ben Laden avait eu le physique de Rambo, ça aurait pu être la scène maitresse d’un film d’action. Celle d’un chevalier barbe au vent driblant : bérets verts, Delta force, drones et CIA, pour se perdre dans la nuit et le désert.

Fut ainsi que Oussama disparut pour de bon et pendant que les services américains pataugeaient pour sortir de la gigantesque piscine de boue dans laquelle il les avait plongés, il s’organisa pour s’assurer une retraite paisible.

Avec l’argent de papa, la bénédiction du Prophète et l’aide de quelques intermédiaires il acheta un lopin de terre à Abbottabad. S’il l’avait acheté à Namur, il serait encore en train d’attendre le permis de bâtir, au Pakistan il l’eut en deux temps et trois mouvements. Il y fit bâtir un beau petit ensemble ou il pu loger: au rez la famille de son courrier de confiance, au premier les deux femmes plus âgées avec leur progéniture et dans le loft du deuxième la jeune femme Amal en compagnie de son auguste personne. Il y déménagea entre 2004 et 2005, un terroriste confortablement installé en vaut deux !

Entre temps, Langley était submergée de signalements sur sa présence  dans les endroits le plus improbables.  Il fallut six ans de surveillances, arrêts, assassinats et trahisons, plus quelques syncopes avant que la CIA arrive à découvrir que le courrier de Ben Laden était un certain Abu Ahmed al Kuwaiti.  Ils le suivirent et arrivèrent finalement à la maison de Abbottabad.

Il doit y avoir une morale dans tout ça, car en choisissant la Belgique, il n’aurait toujours pas de villa mais il serait probablement encore en vie.

Pour la CIA ce n’était que le début des problèmes car, manque de bol, Abbottabad se trouvait au Pakistan et le Pakistan était, officiellement, leur meilleur allié dans la chasse au terroriste. D’ou l’impossibilité de le traiter de crétin ou de traître sans avoir la certitude absolue de ses propres affirmations.

Les américains usèrent de toute leur fantaisie pour y arriver, sans résultât.  Les hauts murs ne permettaient pas de voir l’intérieur, une pergola cachait les promeneurs aux satellites. Les femmes sortaient habillées avec des bourcas qui n’auraient pas permis de faire la différence entre Claudia Schiffer et un ours Panda et les enfants ne parlaient à personne.

Même les techniques les plus sophistiquées étaient inefficaces, les murs étaient trop épais pour les scanners thermiques et les micros directionnels. Les habitants n’utilisaient pas de téléphone, de cellulaires ou Internet et brûlaient les déchets dans le jardin.

Au bord de la crise d’épilepsie, ils tentèrent d’extraire le DNA dans l’eau des égouts et lancèrent une campagne de vaccination de tous les enfants du village. L’eau n’apporta rien et le médecin pu entrer dans la villa, vacciner les enfants mais sans apercevoir aucun adulte.

Obama commençait à se poser la question de savoir si l’énorme budget que la CIA lui pompait tous les ans était bien utilisé étant donné que ça ne lui permettait pas de savoir si de l’autre coté de la rue habitait l’homme le plus recherché de la Planète ou un riche gardien de chèvres.

La décision d’attaquer fut prise en fonction des seuls indices que on avait pu récolter durant ces mois, l’analyse des vêtements pendus à sécher !

Le nombre, le type et la taille des vêtements ainsi que la fréquence du blanchissage, leur permirent d’estimer : le nombre, l’âge, le sexe et la taille des habitants. Comme le profil qui en sortait convenait à la probable famille de Ben Laden, il fut décidé qu’il devait s’y trouver.

L’armée n’avait pas attendu, les orteils en éventail comme les rayons d’une bicyclette, les décisions de la CIA. Des les premières signalements elle avait bâti, dans une base secrète du North Carolina, une copie exacte, échelle 1 :1 de la villa d’Abbottabad afin de pouvoir s’entraîner avec un maximum de réalisme. Pour faire sérieux, elle l’avait baptisée « Compound ». Vous conviendrez que donner l’assaut à un compound ça fait plus viril que de donner l’assaut à une villas.  Donc les forces spéciales USA commencèrent leur entrainement avec dévotion et persévérance.

Avec un peu de fantaisie on peut s’imaginer les conversations qui se tinrent, des mois durant, dans les moments de détente.

« Hallo Jack, comment ça a été ce matin ? »

« Très bien Fred. On a donné l’assaut à ce putain de compound et on a explosé le cul de ce salaud de terroriste »

« Bien fait Jack. Et que faites vous cet après-midi ? »

« On va donner l’assaut à ce putain de compound et on explosera le cul de ce salaud de terroriste »

« Magnifique. Tu nous accompagnes en ville ce soir ? »

« Impossible. On doit attaquer ce putain de compound et exploser le cul de ce salaud de terroriste »

Après quelques mois, les simulations furent déplacés dans le désert du Nevada, afin de tester dans des conditions climatiques réelles, la procédure pour exploser le derrière de ce salaud de terroriste. Les pilotes embarquaient et débanquaient des soldats, comme des conducteurs de bus et les menuisiers remontaient portes et cloisons que leurs collègues défonçaient quelques heures après. La routine dans toute sa splendeur.

Vint enfin le jour ou le dernier « pile ou face » permit de mettre une croix sur la face de Ben Laden. Pour l’occasion, le team opérationnel fut doté des moyens les plus sophistiqués : deux hélicoptères furtifs qui coutaient, avec leur équipement, l’équivalent du budget de l’Afrique entière, depuis la chute de l’empire romain à ce jour.

Considéré qu’il s’agissait d’un raid en stoemelings sur le territoire d’un Pays souverain officiellement allié, toutes les hypothèses furent envisagées, même les plus invraisemblables, comme une tempête de neige dans le désert ou un invasion de sauterelles cannibales.  Le but étant bien sur de pouvoir, en cas de besogne, affirmer qu’on n’en savait rien. Pour une fois, les Américains regrettèrent de ne pas pouvoir tirer profit de l’incontestable expérience des politiciens européens.

Donc, l’heure venue, pendant que les deux engins filaient à toute vitesse vers leur objectif : Obama, Hilary et quelques intimes prirent place dans la salle de crise ou le drone désigné envoyait les images de la zone d’opération.

Il faut maintenant marquer un moment de réflexion sur le rapport conflictuel que les américains entretiennent avec leurs propres hélicoptères. Malgré les entraînements intensifs et la disponibilité d’engins ultra sophistiqués, hommes et machines semblent incapables de coexister sereinement. Ils tombent, ils explosent, se télescopent en vol ou ils s’écrasent au sol.

Durant la guerre du Golf et celle d’Afghanistan, les incidents d’hélicoptère firent pratiquement autant de victimes que le feu des adversaires. Ceci sans parler du magistral carton des appareils qui devaient libérer les otages de Khomeiny, ou du Black Hawk de Mogadiscio en 1993.

L’opération était réglée comme une montre suisse. Un appareil serait descendu à l’intérieur de l’enceinte et le team aurait ouvert le portail à ceux que l’autre hélicoptère avait déposé à l’extérieur.

Vous n’allez pas le croire, mais même à Abbottabad ils arrivèrent à cafouiller comme dans une baraque à frites belge. Le salaud de terroriste avait bâti des murs plus épais de ce qui avaient été relevés par les satellites et le courant ascensionnel généré fit perdre la stabilité au premier appareil qui explosa son rotor de queue et se planta au sol. Le bruit réveilla les habitants du compound et fit sauter du lit la moitié du Pakistan.

A la Maison Blanche, Obama dit « shit » et virant au blanc, Hilary dit « shit » et devint verte. Les autres répétèrent le même mot avec une passion qui révélait une grande solidarité.

Pour le reste le raid suivit le programme avec morts, blessés et enfants en larmes. Il ne faut pas oublier que les 23 hommes (+un chien) faisaient partie des SEAL et quinze minutes fut le temps nécessaire pour liquider quatre gardiens et une femme, blesser deux autres femmes et menotter quatorze enfants. Durant le tralala, un barbu du troisième âge qui se cachait au dernier étage, reçut une rafale de mitraillette dans la poitrine et une deuxième dans les gencives. Autant dire que il ne ressemblait plus tellement au portrait que les assaillants s’étaient fait de Ben Laden.

De toutes façons on n’avait pas le temps de philosopher ou de faire un test DNA. Il fallait récupérer les documents, faire sauter l’hélicoptère planté dans le jardin et filer avant que la garnison pakistanaise termine de sortir de son pyjama et rentrer dans le battle dress.

Quoi qu’il en soit, un peu plus de trois heures après en être partis, les militaires américains retournaient à leur base avec une montagne de documents et le corps d’un homme qui devait être celui de Oussama Ben Laden.  La plus colossale chasse à l’homme de l’histoire était terminée.

Et alors ?

Vous allez me dire.

Alors rien, il n’y à pas de morale à tirer de tout ça.  Il s’agit juste de vous résumer une partie infime de ce que on peut trouver en fouillant dans : livres, journaux et web. Ca  vous évitera d’y passer autant d’heures que moi et  vous distraira, peut être, un peu.

Si ça vous a plu, vous pouvez me le dire et si ça vous a plu beaucoup, vous pouvez même m’offrir une Leffe.

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