Portée réelle et danger potentiel des cartouches

L’emballage d’une bonne partie des munitions calibre 22 long rifle porte une inscription : ignorée par la majorité des utilisateurs occasionnels et considérée sans importance par les tireurs et chasseur avertis. "Attention, dangereux dans un rayon de 1 ½ miles" (1 M. = 1609 m.)

En réalité, il s’agit la d’une forme excessive de prudence, la portée maximale d’une balle calibre 22 l.r. est comprise entre 1370 et 1650 mètres, donc bien inférieure à celle mentionnée sur l’emballage du fabricant (2413,5 m).

Même au bout de sa portée maximale réelle, un danger concret est à considérer, si non impossible, tout au moins hautement improbable, compte tenu de la faible vitesse terminale du minuscule projectile.

L’argument mérite, toutefois d’être développé en élargissant ces considérations à d’autres types de munitions.

Le premier argument à considérer est la portée maximale (p.m.) des armes à feu modernes afin de déterminer l’espace de danger potentiel au delà de la cible choisie.

Il est évident que l'estimation de la portée d'une arme de petit calibre est plus difficile que celle d'une arme de gros calibre. Ceci principalement car l'impact d'un obus ou d'une grenade provoque des phénomènes de soulèvement d'eau ou de terre très visibles. Par contre, un petit projectile est animé, à la fin de sa trajectoire, d'une faible vitesse que unie à son poids réduit ne produit pas de perturbations facilement visibles sur le sol ou dans l'eau. De plus il existe une si grande différence entre les points d'impact de plusieurs coups, même tiré dans des conditions identiques, que l'espoir de pouvoir placer un témoin capable d'observer tous ces points est purement utopique.

La cause principale de cette dispersion réside dans le fait que la résistance de l'air au mouvement du projectile à un effet comparativement plus important sur un petit projectile que sur un grand.

De gauche à droite : cal.12 x 65 - 460 Weatherby - 9,3 x 64 - 5,56 Nato

En absence d'air, la portée maximale du projectile tiré avec un angle de 45°, serait fonction de la seule vitesse de initiale  (v.i.). Dans ce cas, par exemple, la balle militaire 30/06 couvrirait une distance linéaire d'environ 43 miles, ce qui est à peu près 22 fois sa portée maximale dans l'atmosphère.

Par contre, les projectiles de poids relativement élevés et avec une faible vitesse initiale, tels que grenades pour fusils et bombes de mortier ont, en réalité, une portée maximale en l'air très voisine de celle qu'ils auraient dans le vide.

Ce fut le cas pour les mortiers de la défense côtière pour lesquels l'énorme projectile atteignait la portée maximale avec une hausse de 45°, qui devait être augmentée au fur et a mesure que la cible s'approchait. Le projectile de 305 mm. lourd de 375 Kg, avait une portée de 10.000 m. à 45°, avec une v.i. de 395 m/s (mètres pas seconde) ce qui représente 71% de sa portée maximale dans le vide.

Par contre, dans le cas d'une arme portative, l'effet de la résistance de l'air est beaucoup plus important et on atteint la portée maximale avec une élévation d'environ 29° avec des variations minimes jusqu'à 35° après quoi le projectile tombe plus près.

Des projectiles lourds, tirés dans des fusils de gros calibre avec une faible vitesse initiale, comme ceux destinés aux grandes chasses africaines du siècle passé, pouvaient atteindre, dans l'air, 15 à 20% de leur portée dans le vide.

Un cas exceptionnel est celui du 455 Webley qui avec un projectile de 17,2 g., une v.i. de 183 m/s et une élévation de 35° atteint 1190m. ce qui représente 36% de sa portée dans le vide.

Les fusils de chasse actuels, avec des projectiles relativement légers mais animés par une haute vitesse initiale et avec des coefficients balistiques très favorables, peuvent atteindre des portées qui se situent entre 4 et 10% de la portée maximale dans le vide.

Pour les armes de poing ces valeurs se situent entre 10 et 20%.

Le tableau suivant donne un aperçu : des pressions, des vitesses initiales et des  portées maximales moyennes pour des cartouches dans leur version commerciale la plus commune.

Calibre

Pression

Vitesse i. (m/s)

Portée max (mètres)

Photo

22LR

1800

349

1550

9

22WM

 

610

1738

 

7,65 B

1800

305

1300

8

30 Luger

 

372

1740

 

30 Mauser

 

430

1750

 

9mm Para

3000

350

1700

7

38 Sp

1400

265

1550

6

357 M

2760

460

2150

5

44 RM

 

478

2285

 

45ACP

1350

280

1600

 

219 Zipper

 

946

2620

 

5,56 nato

3200

970

 

4

22 Hornet

 

816

2150

 

243 W

 

935

3658

 

270 W

 

956

3382

 

300 HH M

 

889

3975

 

30/06

3500

840

3650

 

30/06 (boat tail)

3500

792

5040

 

338 WM

 

822

4220

 

9,3x64

3800

850

3500

3

375 HH M

 

835

4120

 

458 Win.M

 

647

4140

 

460 Wea.M

4480

790

4700

2

.50 M2

 

865

6850

 

 

Voir tableau

Le tableau donne des points de référence pratique au tireur qui veut avoir la certitude de disposer de l'espace de sécurité nécessaire avant que son projectile touche le sol et devienne complètement inerte.

Il est secondaire de considérer quelle serait l'énergie cinétique ou la capacité vulnérante d'une balle au terme de sa trajectoire car le but de cet article est d'éviter tout impact sur quoique ce soit à l'exclusion de la cible choisie et non pas de considérer les conséquences éventuelles.

Nous avons parlé de cartouches pour carabines rayées, cependant, même les projectiles de forme sphérique des fusils de chasse peuvent occasionner des blessures sérieuses bien qu'à des distances beaucoup moins importantes.

Voici un aperçu des portées maximales des munitions courantes utilisées pour la chasse au petit gibier, en Europe.

Calibre

Dia. du projectile (mm)

Portée max. (mètres)

12 à balle

16,4

1298

16 à balle

15,5

1226

20 à balle

13,84

1097

410 à balle

9,64

780

00 Buck

8,62

685

0 Buck

8,12

650

1 Buck

7,63

605

Plomb n°1

4,07

322

Plomb n°2

3,81

308

Plomb n°3

3,55

282

Plomb n°4

3,30

262

Plomb n°5

3,22

240

Plomb n°6

2,78

220

Plomb n°7 ½

2,41

191

Plomb n°8

2,28

180

Plomb n°9

2,15

160

Ces données théoriques sont valables pour les canons avec une déperdition optimale car il est évident que, dans le cas où il y aurait une agglomération de plusieurs plombs, la portée pourrait se trouver sensiblement modifiée.

Nous avons examine les différentes distances de sécurité pour les balles tirées a l'horizontale, il serait intéressant d'examiner aussi le problème des tirs a la verticale.

Beaucoup de tireurs sont convaincus qu'un projectile tire à la verticale ne présente pratiquement aucun danger.

En réalité tous les projectiles similaires qui retombent, après avoir été tire vers le haut, atteignent la terre avec la même vitesse terminale, quelle que soit la hauteur qu'ils ont atteints. Cette vitesse est fonction du poids du projectile et de sa forme aérodynamique. La résistance de l'air, faible en basse vitesse, augmente très rapidement en fonction de l'accélération.

1-Cal. 45/70     2- Cal. 7,5 Swiss     3- Cal. 30/06     4-Cal. 9,3 x 64

5- Balle de mousqueton (trouvée sur le champ de bataille de Waterloo).

Quand un projectile calibre .222 de 3,24g quitte la bouche de l'arme, sa vitesse est de 975 m/s et la résistance de l'air est de 175 fois son poids. En conséquence, pendant le premier dixième de seconde, il perdra 168 m/s de sa vitesse. S'il est tire a la verticale, il réduira  graduellement sa vitesse pour s'arrêter a une hauteur de 2750 mètres, avant de commencer sa chute.

A partir de ce moment, il augmentera sa vitesse de 9,81 m/s pendant la première seconde. Si nous considérons que la résistance de l'air sera encore négligeable pour les deux secondes suivantes, nous pouvons calculer que le projectile augmentera encore sa vitesse de 9,81 m/s donc, après trois secondes de chute, il aura atteint la vitesse de 27 ou 28 m/s.  Si, comme il est probable, il tombe avec la pointe vers le bas, la résistance de l' air aura atteint a ce moment une valeur équivalente à 1/5 du poids du projectile et au cours de la quatrième seconde il augmentera sa vitesse de 7,9 m/s.

Des que le projectile aura atteint une vitesse de chute de 46 m/s, la résistance de l'air sur son ogive sera équivalente a 1/3 de son poids et l'augmentation de vitesse sera donc, a cet instant, de 6,4 m/s et ainsi de suite, sa progression dans la vitesse de chute sera de 3,95 m/s à 61 m/s et de 1,83 m/s a 76 m/s jusqu’a la vitesse de 89 m/s quand la résistance de l'air sera égale a son poids.

A partir de ce moment sa vitesse restera invariable quelle que soit la distance qui lui reste à parcourir. Il arrivera donc sur le sol à une vitesse de 89 m/s (320 km/h) ce qui correspond, pour le projectile considéré, a une énergie cinétique de 1,25 Kg/m.

L'armée Américaine a effectué des longues expérimentations dans ce sens et elle a constaté que le projectile 30-06 "Spitzer Pointed" qui pèse 9,72grammes et a une vitesse initiale  de 822 rn/s , quand il est tiré verticalement, revient sur le sol en 49 secondes, après avoir atteint la hauteur de 2800 m. en 18 secondes et avoir voyage pendant 31 secondes en chute. Sa vitesse terminale est alors de 102 m/s, avec une énergie cinétique de 5,05 Kg/m.

D'autres munitions ont des valeurs similaires, par exemple:

- La balle British Mark VI cal .303 avec un projectile a pointe arrondie de 9,8 grammes et   une v.i. de 610 m/s. atteint la hauteur maximale et retourne au sol entre 52 et 57 secondes

- La Mark VII "Spitzer pointed" de 11,3grammes avec une v.i. de 755 m/s monte à 2820 m. en 19 secondes et la chute dure 36 secondes.

- le 8 x 57 « pointed » de 7,98grammes, avec une vitesse initiale de 680 m/s atteint les 2900 m. en 19 secondes et descend en 38 secondes.

Comme l'on peut constater, il s'agit de performances similaires.

Sur cette base l'armée U.S.A conclut que ces retombées n’étaient pas utiles dans le domaine militaire.

Notre problème est évidemment différent car, compte tenu du fait qu'une énergie cinétique de 5 Kg/m correspond à la masse de 1 Kg qui tombe de 5 mètres de hauteur, le danger est réel et considérable.

D’autre part, la vitesse de 100 m/s est très proche de la vitesse du projectile tiré par une arme de duel de l’époque napoléonienne !

On peut donc facilement affirmer qu'un projectile qui tombe à la verticale et touche une personne à la vitesse de 100 mètres/seconde (soit : 360 km/h) peut causer des blessures très graves, voire mortelles.

Voyons maintenant quelles sont les protections à prévoir dans le cas où on se trouverait dans une zone de chute ou de passage de projectiles. Par mesure de sécurité, nous considérons l'impact d'un projectile animé de toute son énergie. Les documents de l'armée U.S.A donnent les épaisseurs minimales de protection contre une balle de 30/06  y compris pour les projectiles perforants.

Béton

180 mm.

Gros gravier

410 mm.

Sable Séché

510 mm.

Sable mouillé

915 mm.

Bois dur

1020 mm.

Sacs de terre

1250 mm.

Terre compacte naturelle

1320 mm.

Argile plastique

1650 mm.

Ces valeurs sont applicables dans le cadre d'une utilisation occasionnelle. Dans les stands de tir elles n'ont aucune valeur car la grande concentration des impacts provoquerait un brisement rapide de ces matériaux.

La seule règle reste donc de connaître le point d'impact de nos projectiles pour éviter qu'un instant de distraction puisse nous conduire à des conséquences irréparables.

Maintenant quelques curiosités.

Dans le tableau à la page 3, sont indiquées les pressions développées par les différentes munitions au moment de leur mise à feu. L’unité de mesure utilisée est le "Kg/cm²", équivalent à la pression exercée par une masse de 1 Kg sur un centimètre carré de surface ce qui, avouons le, donne une idée assez abstraite des puissances en jeu.

Pour donner une notion plus concrète à ces valeurs, il suffit de penser que la pression de l’eau, à la sortie d’un simple robinet d’évier, est de l’ordre de 3 à 6 Kg/cm². Qui n’a jamais tenté de l’arrêter avec son doigt ? C’est impossible. On peut des lors facilement imaginer à quoi ça ressemble une pression de 1000 ou 3000 Kg/cm², soit : entre 10 et 30.000(trente mille) tonnes par m².

Quand on sait que le porte-avions Charles de Gaulle ne déplace que 40.750 tonnes à pleine charge !!

            Pour assurer sa stabilité, un projectile doit tourner sur lui-même, comme un gyroscope, à une vitesse moyenne de 79.900 tours par minute. Un moteur de F1 de l’ultime génération, ne dépasse pas les 19.000 tours/minute et les roues d’une voiture lancée à 300 Km/h ne font que 2.000 tours/minute, environ.

            Un fusil de tireur d’élite moderne calibre 50, peut atteindre une cible de la taille d’une assiette à la distance de 2 km. C’est d’ailleurs avec ce type d’arme qui ont été détruits au sol la majorité des missiles Scud durant la première guerre du Golfe.

Les extrêmes

Il s’agit ici de cartouches "courantes", dans l’absolu, d’autres munitions existent : soit plus puissantes (475 Atkinson) soit minuscules (2,7x9 mm Kolibri), mais il s’agit de pièces rarissimes que peu de personnes auront l’occasion de rencontrer.

V. Mangiarotti

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