L’eussiez vous cru ?

Hi-Jolly, un ottoman à la conquête de l’Ouest.

 

Tout commence en 1846 lorsque un certain E.F. Beale, officier de l’U.S.Navy, en pleine navigation dans le désert vers Santa Fé, commença à réfléchir à un moyen de transport : plus résistant que les chevaux et moins stupide que les mules.  Vu la nature des terrains à parcourir, le choix d’un camélidé devenait incontournable.

 

Lieutenant Edward Fitzgerald Beale

En 1853, le futur président J. Davis donna son accord et en 1855 naissait le « U.S. Camel Military Corps ». Le 29 Avril 1856, après moult péripéties, trente trois dromadaires et une dizaine de chameliers débarquèrent à Indianola avant de prendre le chemin de l’Arizona.

Durant le trajet, huit des chameliers décidèrent de se recycler dans le petit banditisme.  Restèrent : Greek George (de son vrai nom Yiorgos Caralambo) et Hadji Ali, qui fut rapidement élevé au rang de "chief camel driver" sous le nom américanisé de Hi-Jolly

 

Greek George                                          Hadji Ali

Hommes et animaux furent cantonnés à Camp Verde ou leur présence ne passa pas inaperçue.  L’odeur des méharis était pestilentielle et malgré l’expression à la fois : hautaine, tendre et idiote de leur regard, ils terrorisaient chevaux et autres animaux domestiques.

 

A partir de Juin 1857, Greek Georges, Hi-Jolly et leurs 25 méharis, participèrent à toutes les missions d’explorations dans des régions désertiques du Far-West.  D’abord entre El Paso et le fleuve Colorado, puis pour tracer la piste entre Fort Defiance et la Californie, à travers le New Mexico.

 

Les exploits des dromadaires dépassèrent les espoirs de Beale. Ils étaient plus rapides que les mules, plus résistants que les chevaux, supportaient le triple du chargement, s’alimentaient avec n’emporte quoi et buvaient l’eau putride qui aurait tué leurs partenaires à deux et quatre pattes.  D’autres qualités devaient se manifester à long terme : leur taille leur permettait de franchir des cours d’eau plus profonds et la légende raconte qu’ils étaient pratiquement insensibles aux morsures des crotales.

De plus, alors que caravanes et diligences étaient méthodiquement attaquées par les Comanches, aucune expédition avec des dromadaires n’eut à se défendre contre les indiens.

 

Leurs péripéties continuèrent sur les pistes entre San Antonio et Fort Lancaster, puis de Comanche Springs, travers le Rio Grande, le Colorado, l’Arizona et le Nevada, pour aboutir à Fort Tejon, prés de Los Angeles.  Sans le soupçonner ils tracèrent le parcours de la légendaire route 66, dans les contrées les plus sauvages de l’Ouest américain.

 

Malgré les remarquables performances, ils furent victimes de leur caractère infernal : ils crachaient avec une redoutable précision et mordaient tout ce qui passait à la portée de leurs mandibules. Leur puanteur ajoutait une touche exotique à l’ensemble à tel point que certaines villes leur interdirent l’accès et d’autres, comme Virginia City, en autorisèrent le passage uniquement entre minuit et l’aube !

Leur aventure s’acheva avec le commencement de la guerre civile et le U.S. Camel Corps fut dissout.  Certains animaux furent vendus, d’autres libérés dans le désert et Hi-Jolly, avec ses méphitiques compagnons, se lança dans le transport de marchandise. On le retrouva à Tucson, ou il se maria, puis mineur à Quartzsite et la saga veut qu’il soit mort, dans une tempête de sable, en 1902.  La pyramide funéraire qui lui fut consacrée, reste encore ce jour, le monument funéraire le plus visité de l’Ouest américain.

Son copain Greek George, amateur de whisky et de mauvaises fréquentations, fut pendu en 1913, à Mission Vieja San Gabriel.

 

Leurs compagnons bossus continuent à alimenter les légendes du désert. Le plus fameux, Red Ghost fut abattu en 1893, avec le squelette d’un mystérieux cavalier accroché à la selle.  En 1934, le Oakland Tribune annonça la mort du dernier dromadaire sauvage, mais tous les fermiers de Gila Bend, vous diront que la nuit de son anniversaire, Hi-Jolly et son étrange monture, sont toujours là.

 

                                                                                              Vittorio Mangiarotti, fecit.

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