Fournier & Dupont : « Chevaleresquement, je vous tue »

Vittorio Mangiarotti

 

 

C’est une aventure délirante comme on ne pourrait pas s’inventer. Une course poursuite, pour saisir sa propre mort.  Un duel qui dura presque vingt ans. Compétition infernale entre deux hommes : champions toutes catégories de l’orgueil, ceintures noires de l’absurde.

 

François Fournier Sarlovéze, né à Sarlat en 1773. Sous-lieutenant des Dragons à 17 ans.  Colonel des Hussards à 22 ans.  Lieutenant Général, Comte de l’Empire.  Grand Officier de la Légion d’honneur.  Mort à Paris en 1827.  C’est ce qu’on peut lire, sur son monument funéraire. 

On peut y ajouter : redoutable spadassin et excellent tireur.

 

Dupont, c’est comme le Saint Esprit.  Tous les chroniqueurs en parlent, mais personne ne l’a jamais vu.  Il y a peu de chances qu’il s’agisse du Comte Pierre Dupont de l’Etaing, ou de son frère Dupont-Chaumont.  L’un en disgrâce au moment des faits, l’autre trop vieux.

Donc, Dupont c’est Dupont, sans plus.

 

Leurs fers se croisent, pour la première fois, à Strasbourg ou, contrairement à tout pronostique, c’est Fournier  qui est blessé.  Au deuxième round, c’est le tour de Dupont.  En peu de temps, c’est l’apothéose. Troisième reprise, ils se blessent mutuellement..  Après, c’est à nouveau le tour de Fournier.  Puis Dupont rate l’adversaire, la balle rebondit contre une branche et blesse…un témoin. Le temps s’en mêle, une rencontre suspendue à cause de l’orage qui risque de transformer les épées en pare tonnerres. Match nul, balle au  centre, on recommence.

 

Au bout d’une dizaine de duels, le Premier Consul trouve que ça commence à faire dans le démentiel. L’exercice de leur extravagante activité perturbe  sérieusement  l’organisation des tueries officielles, tâche coutumière de tout officier respectable. Napoléon décida donc de les assigner à deux diverses unités dans l’espoir qu’ils se fassent tuer pour la gloire de l’Empire.  Et, si possible, séparément.

Mauvais calcul, les deux adversaires souscrivent une convention qui les oblige à « se donner un bon coup d’épée » chaque fois qu’ils se trouvent à une distance inférieure à 30 lieues l’un de l’autre.

Ils continuent ainsi à s’entraîner sur le champ de l’honneur pour mieux  se tuer dans l’intimité.

 

Entre 1794 et  1813, les deux hommes additionnent  une bonne vingtaine de « sabre party » s’infligeant, avec une remarquable équité, le même nombre de blessures.   

Villes et campagnes deviennent le décor d’un curieux menuet dansé : à pieds ou à cheval,  au rythme des coups de sabre, d’épée, ou de pistolet. 

 

Comme c’est souvent le cas, une femme pu obtenir ce qui était hors de portée de l’Empereur.  Avant de se marier, Dupont décide de mettre fin à tout ce cirque et propose à son adversaire une dernière confrontation, au finish.  Elle aura lieu dans un bois mis à leur disposition par un ami commun.

 

Moins fougueux, Dupont se retrouve avec ses armes encore chargées alors que  son adversaire vient de décharger inutilement les siennes. La vie de Fournier  lui appartient.  Il lui  propose alors de la lui laisser en usufruit, sous peine de confiscation à la moindre provocation.  Fournier accepte et disparaît. 

 

Après avoir passé leur vie à faire la guerre, ils meurent en paix. Fournier en 1827 et Dupont (probablement) en 1840

Chacun dans son lit, les deux à Paris.

Comme quoi, même quand on veut se faire tuer, on n’est jamais aussi bien servi que par soi même.

 

 

Armes mises à disposition par le M.R.A.

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