QUELQUES EXEMPLES DE RESTAURATIONS

Pour les visiteurs intéressés, je me permets de présenter ici quelques exemples d'armes figurant dans ma modeste collection, et auxquelles je pense avoir redonné un aspect acceptable.

Une remarque cependant: je répugne un peu à appeler "restaurations" les petits travaux de réfection que j'effectue. Je ne suis ni armurier, ni restaurateur, mais un simple amateur qui se documente le plus possible et fait de son mieux pour rendre à ces vieilles pétoires l'aspect qu'elles avaient à leurs heures de gloire.

Je ne recherche pas non plus les épaves à restaurer; mais il m'arrive d'acheter une arme abîmée quand je "sens" que je peux la faire revivre.

Lorsqu'on me confie une arme à restaurer ou à réparer, j'éprouve beaucoup de plaisir à le faire et à rendre le sourire à son propriétaire. Cependant, si le travail à effectuer dépasse mes possibilités, je n'y touche pas. Je mets la personne en contact avec un ami professionnel, avec qui elle peut s'arranger en direct.

En tant que collectionneur, je suis également adepte des principes suivants:

- Une arme militaire ou à vocation militaire, intensément utilisée mais bien entretenue, ne perd pratiquement pas de sa valeur si elle a perdu sa couleur originale, pour autant qu'elle ne soit pas rouillée ni piquetée. Je laisse une telle arme telle quelle, un rebronzage serait une erreur.

- Une arme civile telle un revolver de poche perd BEAUCOUP de sa valeur dès que son fini original a été abîmé, et surtout si elle a été repolie à la machine pour enlever la crasse.  La plupart de ces armes n'ont jamais ou très peu tiré, et si elles sont rouillées ou abîmées, c'est parce qu'elles ont été manipulées inconsidérément, ou ont passé un siècle dans une boîte au fond d'un grenier humide.

Personne n'est obligé d'avoir les mêmes opinions...

 1. Pistolet liégeois à coffre, chien latéral, canon damas lisse

J'adore ce pistolet. Je l'ai acheté presque contre mon gré il y a quelques années, dans un état pitoyable; la seule chose qui me semblait intéressante est son chien latéral; c'est là une disposition inhabituelle sur un pistolet à coffre, qui devrait par définition avoir un chien central.

Le canon était rouillé et boursouflé, la carcasse noire de rouille et de crasse, la cheminée brisée et les ressorts manquants. La "crosse" était constituée d'un morceau de chêne grossièrement taillé à angle droit, et encore plus grossièrement évidé dans une tentative de créer un logement pour le ressort par ailleurs disparu. La queue de culasse était percée d'un trou dans lequel passait une grosse vis à bois, évidemment en acier zingué, histoire de parfaire l'iconoclastie.

Je regrette vraiment de ne pas posséder de photos de cette arme dans cet état.

Le poinçon ELG était encore bien visible sur la face gauche du coffre, ainsi qu'un D dans un blason sur le côté gauche du canon. Aucun autre marquage.

Ce D m'a fait penser à "damas", et en fait le canon présentait de vague ligne en spirale, non des restes de dessin mais en fait les lignes de forge autour d'un mandrin.

De plus, il était dévissable, ce qui facilite grandement le travail.

J'ai donc d'abord repoli ce canon "miroir", puis je l'ai bouché aux deux extrémités avec un bloc de bois; ensuite je l'ai carrément plongé dans un verre à bière rempli de simple esprit de sel. Après, quelques minutes sont apparues de belles spires grises et noires....bingo.

Le canon étant encore parsemé de petites traces de piquetages malgré le poli profond, je l'ai laissé une heure dans l'acide, ce qui a donné au dessin un relief qu'on appelait "damas miné" au 19è siècle. Et les trous ont disparu du même coup. Il ne me restait plus qu'à forer la ruine de guidon et en refaire un neuf, que j'ai brasé à l'argent dans le canon.

Ce modèle comporte un grand ressort et un ressort de rappel de détente séparés; j'ai donc dû refaçonner deux ressorts. Le grand ressort comporte un trou venant se fixer dans un crochet soudé sur la queue de pontet, le ressort de rappel un plot central se logeant dans un trou du bouchon de culasse, et agit sur la tête du levier de détente.

J'ai également récupéré un cran de demi armé très solide en refaçonnant l'original à la lime de Berne dans la noix du chien. Ensuite j'ai cherché dans ma réserve une cheminée de taille et de modèle acceptable, qui a en plus accepté de se visser dans le trou original. Il va sans dire que j'avais dû forer le moignon de la cheminée originale pour l'enlever.

La crosse a été un travail plus difficile. Elle est faite dans un bloc de ronce de noyer de première qualité.

Fabriquer une crosse de pistolet à la main est long et difficile, mais cette qualité de bois rend le travail plus aisé; il est dur, mais tellement dense que le ciseau mord bien dans n'importe quel sens. Creuser le logement du ressort, effectuer une monture à bois hermétique et creuser les logements des queues de culasse et de pontet sans posséder les outils spécifiques - ni la manière de s'en servir - demande vraiment beaucoup de patience, car en cas d'erreur le bois est perdu.

La portion de queue de culasse dans laquelle le gougnafier qui m'a précédé avait foré un trou pour sa vis galvanisée repose sur une portion de bois trop mince pour permettre un vissage correct. J'ai donc bouché le trou en y introduisant par le dessous une portion de clou (pointe de Paris) taillée de manière à dépasser le trou d'un mm puis chauffé au rouge. J'ai aplati ce dépassement au marteau, de manière à forger les deux pièces ensemble. Après ponçage, le rebouchage est invisible.

Dans la portion inférieure, j'ai foré un trou pour le passage d'une goupille.

La localisation du trou de passage de cette goupille, exactement en face du trou de l'ergot en métal, est également très difficile, car il faut éviter tout jeu.

Une crosse est taillée brut et d'abord ajustée sur l'arme; ensuite, elle est terminée à la lime sur l'arme, de manière à la tailler parfaitement "sur mesure". La goupille est limée et poncée en même temps que le bois, de sorte qu'en fin de travail elle soit de longueur et de profil exacts. Elle est visible à l'oeil mais imperceptible au toucher.

Il faut ensuite, bien entendu, poncer et polir le métal pour enlever les traces de lime laissées lors du finissage du bois.

Enfin, suit un long ponçage fin de la crosse. Entre deux ponçages, je l'ai mouillée deux fois pour "relever" le fil du bois, ce qui permet un ponçage encore plus fin.

J'ai terminé en frottant la crosse avec un chiffon imbibé d'huile de lin pendant au moins une heure, pour que l'huile pénètre le bois mais ne laisse pas de dépôt gras, et enfin frotté la crosse pendant encore une heure...à main nue.

On peut discuter longtemps quant à la valeur réelle d'une telle arme dans une collection. En fait, si elle est redevenue présentable, elle a par ailleurs perdu pas mal de son originalité. Mais l'alternative était une épave innommable et sans aucune valeur. Quoi qu'il en soit, elle a été pour moi un excellent exercice de patience, et le résultat me plaît. Je ne pense pas que je m'en séparerai un jour.

Marcel

 

2. Revolver liégeois en calibre 7 mm à broche

 Revolver type Lefaucheux courant, non gravé, portant le poinçon d'épreuve pré 1893 et les poinçons de contrôleurs post 1877. Plaquettes de crosse en ébène ou faux ébène.

Lorsque j'ai acheté cette arme, le canon était abîmé par des traces de lime et un piquetage assez prononcé vers la bouche. Le reste était dans un état acceptable, auquel je n'ai d'ailleurs pas touché. Le canon et le barillet portaient encore des traces de bleu, le reste était poli blanc. Cette combinaison de couleurs a été en vogue à une certaine époque sur ce genre d'arme.

Pour rendre au revolver un aspect valable, j'ai d'abord repoli le canon pour enlever les traces de lime et les piqûres. Ensuite j'ai rebleui le canon et le barillet dans mon petit four, comme expliqué précédemment.

Une fois bleus, le canon et le barillet avaient un aspect trop neuf par rapport au reste. Je les ai donc patinés, en frottant les arêtes et certaines portions du barillet à la laine de fer huilée pour dissiper le bleu par endroits et donner à ces pièces un aspect "usagé" qui s'accorde mieux avec l'ensemble.

Encore un cas discutable...

Marcel

 

3. Revolver liégeois (???) en calibre 7 mm à broche

 Encore un Lefaucheux, que je crois issu des ateliers d' Eugène Lefaucheux, bien qu'il ait été éprouvé à Liège entre 1877 et 1893. E. Lefaucheux a fait éprouver à Liège beaucoup des revolvers qu'il fabriquait à Paris, parce que l'épreuve de Liège, très sévère, était une garantie de qualité. Ces armes étaient envoyées à l'épreuve "en blanc" et finies chez un de ses contacts à Liège (Janssen, Francotte...). Je possède un autre revolver du 1er type, à carcasse en deux parties, signé de E Lefaucheux, daté de 1867 et éprouvé à ....Liège.

Celui-ci était couvert d'une couche de rouille, mais se laissait démonter. J'ai donc retiré les ressorts, remonté l'arme et l'ai dérouillée par électrolyse. Ensuite un bon lavage à l'eau savonneuse, un séchage et un passage au chiffon huilé. Les ressorts remontés en place, il fonctionne très bien, et il n'en faut pas plus. Comme on peut le voir, il a une belle patine.

Marcel

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