Restauration d'armes.

5. REVOLVER "velodog"

REPARATION D'UN REVOLVER "VELODOG HAMMERLESS"

Cette fois c'est notre Webmaster qui m'a confié un revolver à remettre en état.

La mission est: Joli, en bon état de marche, et "authentique".

Identification

- Revolver de type "pistolet",  à chien intérieur, 6 coups en calibre 5.5 Velodog, percussion centrale, détente repliable.

- Plaquettes de crosse en matière plastique indéfinissable

- Aucune marque de fabricant

- Aucun poinçon d’épreuve ni de contrôle

- Lettres PV seules sur la face gauche de la chambre

- HAMMERLESS en capitales frappé sur le haut de la cage du barillet

- Toutes les pièces visibles sont marquées du chiffre 4

- Poinçon illisible sur la tranche arrière du barillet

- Canon rayé 4 à droite

- Datation approximative: vers 1900-1905

- Origine supposée: Liège

Je penche pour une origine liégeoise à cause du calibre en 5.5 Vélodog, utilisé en Belgique. Je possède un revolver de même type et fort ressemblant, mais en calibre 6 mm Velodog français, également utilisé en Espagne. Mon revolver est un LeBrong, fabriqué à Eibar par Crucelegui Hermanos. Les deux armes diffèrent  par une foule de petits détails, quoique du même modèle général, avec les mêmes portions de canon rondes et octogonales alternées. Le mien possède également le marquage HAMMERLESS sur la cage du barillet.

Examen approfondi et diagnostic

- Mécanisme bloqué pour une cause inconnue

- Plaquettes de crosse non originales: trop minces et maintenues par une vis moderne et un écrou à 6 pans noyé dans la masse

- Vis de maintien des plaquettes entre par la droite au lieu de la gauche

- Plaque de recouvrement manquante, ainsi que sa vis de maintien

- La console de maintien de la tige d'éjecteur est une pièce moderne, obtenue par pliage d'une feuille de fer, et est trop courte

- La tige elle-même pourrait être refaite également. Sa tête en cuivre ou laiton est bizarre.

- Bronzage disparu

- Aucune trace de rouille ni de piquetage, mais l'arme a visiblement subi un nettoyage et ponçage profond

- Reste de l'arme en bon état général

Constaté au démontage:

- Percuteur faussé, ce qui bloque le chien

- Elévateur cassé

- Chambres du barillet chemisées de tubes de cuivre interdisant tout chargement (neutralisation par amateur)

Les plaquettes de crosse semblent avoir été réalisées à partir de plaquettes en bakélite ou plastique dur imitant le bois et provenant d'un pistolet automatique moderne, ou même d'un pistolet d'alarme. Cette matière se prête assez bien au travail à la lime et au polissage. L'arme a également été reponcée et repolie, et on n'a pas jugé bon de préserver les poinçons.

Les chambres du barillet ont été rendues inutilisables par l'introduction de minces tubes de cuivre, qui empêchent l'introduction de cartouches.

Opérations à effectuer

- Extraire les chemises du barillet

- Redresser le percuteur

- Refaire un nouvel élévateur en copiant l'original

- Façonner une plaque de recouvrement et sa vis de maintien

- Chercher une console de baguette d'éjection adaptable, ou en tailler une neuve dans la masse, sur base d'un modèle connu

- Refaire de nouvelles plaquettes de crosse, une vis de maintien et des rondelles de cuivre.

EXTRACTION DES CHEMISES DU BARILLET

Ce genre de neutralisation sauvage est toujours délicat à éliminer, car on ne sait pas où on va.

Je constate que les chemises, qui sont par ailleurs très discrètes, sont constituées de minces tubes de cuivre, introduites en force par l'arrière du barillet et un peu plus courtes que les chambres.

L'arrière du barillet porte encore des traces de martelage, ce qui élimine ma première idée de douilles dont on aurait scié le culot: dans ce cas, il n'aurait pas fallu de marteau pour les introduire. Quoi qu'il en soit, je fais un essai prudent d'extraction en appuyant un chasse-goupilles sur le bord d'un des tubes par l'avant et en frappant légèrement. Au 3è essai, bingo: mon chasse-goupille accroche le bord d'un des tubes, que j'arrive à extraire par l'arrière en tapotant doucement. Il s'agit d'une section de tube d'un métal semblant être du cuivre, très mince et portant vers l'avant des traces de chauffe. J'ai de la chance, ces chemises ne semblent ni collées ni brasées, mais simplement forcées dans les chambres.

J'essaye encore les autres chambres, mais sans succès: la pointe de mon chasse-goupille ayant une surface trop petite, rippe et glisse sur les bords des tubes. J'ai alors pensé à fabriquer au tour un chasse-goupille au diamètre exact des chambres, qui aurait pu s'appyuer sur tout le pourtour des chemises. C'est cette idée qui m'a en fait mis sur la voie: pourquoi ne pas essayer en enfonçant par l'avant la première chemise retirée, pour pousser les autres dehors ?

Cette fois-ci, ça marche. Il me suffit d'enfoncer prudemment une chemise jusqu'à mi-longueur par l'avant pour faire sortir l'autre par l'arrière, suffisamment loin pour pouvoir les extraire avec une pince.

En 5 minutes, mon barillet est libre, et il est intact. Les photos jointes montrent les chemises extraites et le barillet garni de 6 cartouches de 5.5 mm Velodog belge.

REDRESSEMENT DU PERCUTEUR

En examinant le chien interne de plus près, je constate que là aussi, on m'a précédé. Le percuteur original, normalement taillé dans la masse du chien, a probablement été cassé. Pour le remplacer, mon prédécessur a pratiqué un trait de scie longitudinal dans la tête du chien, dans lequel il a introduit une pièce plate, portant d'un côté un ergot plus épais dont il a fait le percuteur. Il a fixé le tout par une petite goupille transversale et un ou deux points de brasure au cuivre.

C'est bien fait et c'est très solide.

Je ne sais pas pourquoi cependant, le percuteur est faussé et accroche fort dans le canal de percussion, ce qui est vraisemblablement la cause du blocage du mécanisme.

Je le redresse prudemment à la pince et lui donne un coup de lime par en-dessous. Dans un cas comme celui-ci il faut être attentif à ne rien casser en pliant la pièce. Il n'est pas possible de la chauffer, la chaleur pouvant faire lâcher la brasure.

Je fais cette opération en trois fois, en remontant le chien dans la carcasse à chaque fois, jusqu'à ce que le percuteur entre à fond du canal de percussion et en sorte tout seul rien qu'en inclinant le revolver.

FABRICATION D'UN NOUVEL ELEVATEUR

Au démontage, j'ai constaté que l'élévateur était cassé au niveau du petit axe transversal qui le relie au bloc-détente. Ce petit axe a dû à un moment se gripper, et lorsqu'on a manoeuvré la détente, la fixation côté élévateur s'est déchirée. Ce petit axe est normalement forcé dans un trou pratiqué au bas de l'élévateur, et éventuellement forgé en place. Je constate que le trou de passage dans l'élévateur est déchiré.

Il n'est pas possible, dans un tel cas, de rebraser ces pièces ensemble: elles sont trop petites et la brasure ne tiendrait pas la pression du ressort. Il faut donc remplacer la pièce, ce qui est assez délicat, et je suis content que l'élévateur original ne soit pas tombé hors de l'arme par la trappe manquante, car il va me servir de modèle.

Note

 *** Les armes de type Velodog ou Puppy Hammerless de la fin du 19è siècle ne comportent qu'un seul ressort, qui active aussi bien le chien que le rappel de la détente.

Ces ressorts sont complexes et difficiles à fabriquer. Leurs proportions doivent être exactes, car ils travaillent sur trois points tout en ne s'appuyant que sur un seul, et ceci en porte-à-faux (voir photos). La fourche de la branche supérieure active le mouvement du chien, tandis que la branche inférieure effectue deux opérations distinctes: sa projection dans le sens vertical vient s'engager dans une encoche pratiquée dans l'épaisseur de l'élévateur, et ramène avec celui-ci la détente en place après le tir, tandis que le bord avant de sa partie horizontale vient appuyer en fin de mouvement sur un plan oblique au bas du chien, forçant ce dernier à reculer de quelques millimètres. Le seul point d'appui du ressort est un ergot du côté droit, au niveau de son pli, qui est fiché dans un oeillet sur la carcasse. Il y a donc un porte-à-faux à ce niveau, qui n'est annulé que par l'appui de la projection avant sur l'élévateur, du côté gauche. il est donc impératif que l'angle de la gorge pratiquée dans l'élévateur soit exact, de manière à éviter toute rupture d'équilibre qui casserait le ressort. Ces fichus ressorts ne demandent que ça. ***

Je vais confectionner mon nouvel élévateur dans un morceau de ressort cassé, qui a juste la bonne épaisseur, et que je détrempe au préalable.

Je commence par forer un trou de 1.5 mm, décalé sur la droite sur ce qui deviendra la face interne de mon élévateur.

En coinçant l'élévateur original et ma copie côte à côte dans un étau horizontal, je peux amorcer l'encoche dans laquelle devra coulisser le ressort, avec à peu de chose près la même inclinaison.

Je travaille avec une lime de section carrée, d'environ 5 mm de côté. Il est impératif que l'épaulement du bas de mon encoche, sur lequel viendra s'appuyer la projection en plan vertical du ressort, soit bien à angle droit, afin d'éviter que le ressort ne glisse et ne vienne se coincer entre l'élévateur et le bloc-détente. Il faut limer droit et être le plus précis possible.

J'ai entre-temps récupéré l'axe original et l'ai nettoyé, car il va me resservir.

Une fois mon encoche suffisamment profonde, j'en égalise soigneusement le fond, toujours pour que le ressort puisse s'y mouvoir normalement.

Ensuite je donne à ma pièce la courbure nécessaire, en me basant sur la pièce originale. Je lui donne exprès une trop grande longueur, toujours corrigeable, pour le cas où l'original serait usé et n'amènerait plus les chambres en face du canon. La longueur de l'élévateur est déterminante pour un bon alignement des chambres et des cames de blocage du barillet.

Ensuite je force l'axe dans le trou, en prenant soin qu'il soit à angle droit par rapport à l'élévateur. Je chauffe cette partie au rouge et je martèle un peu pour "forger" les deux parties ensemble. Ca a l'air de tenir.

Je chauffe à nouveau au rouge cerise, je trempe dur puis je fais un revenu à l'huile comme pour un ressort. Cette opération a pour but de renforcer la paroi de l'encoche, point faible de mon élévateur.

LA PLAQUE DE RECOUVREMENT

Comme j'ai fait pour l'élevateur, je choisis de fabriquer la nouvelle plaque de recouvrement dans un morceau d'acier à ressort.  Non que l'acier à ressort soit plus indiqué pour ce genre de travail, mais lorsqu'il est non recuit ou qu'il a été détrempé, il se travaille très facilement. De plus, c'est une occasion d'utiliser les chutes et déchets que je garde toujours.

Lorsqu'on observe l'emplacement de cette plaque dans le châssis du revolver, on remarque tout de suite qu'elle comporte une encoche dans laquelle coulisse l'arrière du bloc-détente, et que sa partie arrière est asymétrique par rapport à l'avant. Traditionellement, ces petites plaques ont les bords avant et arrière taillés en queue d'aronde et coulissent dans le châssis de l'arme dans le même sens que les vis, à savoir qu'elles entrent par le côté gauche de l'arme. La fixation, déjà relativement solide de par la queue d'aronde, est garantie par une petite vis qui se trouve soit sur un des côtés, soit comme dans le cas présent, fixée dans un trou à cheval sur la plaque et le châssis de l'arme.

Je découpe ma pièce et l'amène aux bonnes dimensions à la lime, en tenant compte de la forme un peu concave de la plaque et de ses bords taillés en oblique. C'est un travail relativement facile à effectuer.

Du côté interne, je ménage, à partir de l'encoche où viendra se loger le bloc-détente, une rampe inclinée à environ 45°, destinée à éviter que le bloc-détente ne soit bloqué dans ses mouvements par l'épaisseur de la plaque. Il faut que le profil de la plaque épouse au plus près celui du bloc-détente, sans toutefois le gêner.

Il en va de même pour l'élévateur: comme j'ai laissé à celui-ci une zone plus large autour de son axe en vue d'augmenter sa solidité, je risque qu'il vienne se bloquer contre la plaque de recouvrement au retour de la détente, ce qui gênerait le mécanisme également. Pour pallier à cet inconvénient, je dois ménager une rainure sur la face interne de la plaque, de sorte que mon élévateur puisse descendre librement en bout de course.

Au remontage d'essai cependant, cette rainure se révèle insuffisante: mon élévateur ne descend plus assez bas, ce qui empêche le rebond du chien et le repositionnement du bec de gâchette en dessous du mentonnet.

Le problème provient du fait que l'armurier qui a fabriqué cette arme, a positionné le trou de l'axe de son élévateur trop bas sur le bloc détente. Une correction l'aurait obligé soit à raccourcir son élévateur côté barillet, et donc à recalculer son angle, soit à refaire un nouveau bloc-détente, ce qui 'est pas évident, soit à recharger (reboucher) le trou et le refaire plus haut, ce qui n'est pas des plus simples non plus. Il a donc choisi une solution de compromis, en limant au maximum les abords de l'axe de son élévateur, ce qui a fragilisé la pièce, qui a cassé. Il a suffi qu'un peu d'oxydation colle l'axe dans son trou pour que la pièce se déchire sous la pression du ressort lors d'une manipulation.

Il s'agit bien de la pièce d'origine, puisque cet élévateur est marqué du chiffre 4 comme les autres pièces de l'arme.

Afin de ne pas risquer de tomber dans le même travers, je vais donc pratiquer une ouverture dans ma plaque de recouvrement, juste pour permettre au bas de l'élévateur de se positionner convenablement au retour de détente. J'ai déjà vu ce genre de passe-droit sur des armes apparemment réparées il y a très longtemps.

Ma plaque terminée et coulissant bien en place, il me reste à ébaucher un demi trou pour la vis de fixation. J'effectue ce travail avec une lime ronde très fine, après avoir marqué l'emplacement sur ma pièce. Ensuite je remonte la pièce sur l'arme, et je fignole en reperçant un trou bien rond avec une mèche un rien plus épaisse que l'original, ici 3.5 mm. J'ébauche un pas de vis dans le trou, puis j'y loge une petite vis sans tête que j'ai récupérée sur une épave d'arme.

J'ai déjà dit que ce genre de vis varie d'une arme à l'autre, et qu'il n'y a pas de règles bien établies quant à la taille ou le modèle, même dans les armes venant d'un même fabricant.

Il me reste ensuite à polir et à fignoler ma pièce, en prenant soin de laisser intacts les abords de la carcasse.

La fabrication de la plaque de recouvrement ne présente aucune difficulté majeure, il suffit de travailler prudemment. Les photos montrent la plaque en cours de fabrication, et son positionnement sur l'arme, ainsi que la vis.

LA CONSOLE DE L'EXTRACTEUR

J'ai de la chance: dans mon "butin de guerre", composé de plusieurs boîtes à biscuits pleines de vis, pièces d'armes, morceaux de ressorts et Dieu sait quoi d'autre, je trouve trois consoles genre BullDog, dont l'une accepte de s'adapter parfaitement sur mon patient, pour peu que j'agrandisse un tantinet les trous de passage de la vis de fixation et de la tige de l'élévateur, ce que je fais en une minute avec une perceuse et une mèche à métal que je fais coulisser une fois ou deux dans les trous.

Cette console a perdu son ressort, mais la vis s'y trouve encore.

Je fabrique donc un petit ressort plat, pourvu sur le haut d'une partie un peu inclinée qui va passer par l'ouverture pratiquée dans le canal de la tige d'extracteur, pour maintenir cette dernière afin qu'elle ne puisse se perdre.

La tête de l'extracteur ayant également été perdue et remplacée par une boule de soudure au cuivre grossièrement taillée en cône, j'en profite pour en refaire une neuve dans un fragment de clou de charpentier, que je coince dans le mandrin de ma perceuse et que je façonne à la lime sur le modèle courant de l'époque. Je n'ai ensuite plus qu'à braser cette tête sur la tige en utilisant d'ailleurs le reste de la boule de soudure: une fois ma tête en place sur la tige, je chauffe jusqu'à ce que les restes de soudure refondent et brasent les deux pièces ensemble.

Ancienne console

Nouvelle console.

REBRONZAGE

L'arme a été entièrement repolie, mais la partie de carcasse qui se trouve normalement sous le levier de sûreté montre encore nettement des traces de jaspage. Cette arme était donc à l'origine, comme la plupart, jaspée avec le canon et le barillet bleu-noir.

Le jaspage étant une opération hors de la portée de l'amateur, en raison des produits chimiques hautement toxiques utilisés,je décide de tenter de bleuir l'arme entièrement, selon ma méthode habituelle en 3 phases de chauffe et de bains d'huile.

Si le barillet et le canon reviennent sagement à leur couleur bleu-noir d'origine, je constate cependant avec surprise que la carcasse refuse obstinément de dépasser le stade du jaune de recuit. Je décide donc de multiplier les chauffes, et à la quatrième je constate que les taches colorées du jaspage original ont tendance à se reformer. C'est la première fois que j'obtiens cet effet.

Après 6 chauffes de 15 minutes alternées de bains d'huile, une bonne partie du jaspage original est revenu, et l'arme ne change plus de couleur. C'est une surprise pour moi,  je n'aurais jamais imaginé pouvoir récupérer un si grand pourcentage de jaspage en chauffant une pièce polie blanc. Je ne m'explique d'ailleurs pas le fait, je pense seulement que les produits utilisés lors de la trempe jaspée, pénètrent assez loin sous la surface du métal.

Placé entre deux armes du même type, dont l'une est usagée et l'autre à l'état neuf, je pense que mon malade n'a pas trop mauvaise mine !

REMONTAGE D'ESSAI

Arrivé à ce stade, je remonte les plaquettes "d'origine" sur l'arme, et je contrôle le fonctionnement général. Tout marche bien, à part quelques petits accrocs au niveau du nouvel élévateur, qui ne prend pas bien dans les dents du rochet.

J'amincis un peu la tête de l'élévateur - je dois m'y reprendre à plusieurs fois - jusqu'à ce que le mécanisme fonctionne normalement et sans accroc.

Le seul problème est que le barillet ne s'aligne pas exactement en face du canon. C'est un problème irrémédiable, car l'iconoclaste qui a enfoncé les chemises dans les chambres s'est servi pour ce faire d'un marteau; il a passablement massacré la face arrière du barillet, que j'ai plus ou moins pu rattraper à la lime, et il a donné un coup ou deux sur le rochet, ce qui a irrémédiablement faussé les dents.

Avec la meilleure volonté du monde, je suis incapable de refaçonner les dents d'un rochet de barillet.

Malgré cela, je pense que mon patient a déjà retrouvé une bonne partie de sa santé...

FACONNAGE DES PLAQUETTES DE CROSSE

Ici j'ai un problème.

Lorsque je confectionne de nouvelles plaquettes de crosse, je les taille d'abord grossièrement, puis j'ajuste du mieux que je peux leur jointure avec les parties métalliques dans le haut. Ensuite je perce le trou de la vis traversière et je monte mes plaquettes sur la carcasse de l'arme. Enfin, je les taille et les ajuste sur l'arme, de sorte que je peux ainsi, en quelque sorte, les tailler "sur mesure". La plupart du temps, j'obtiens un résultat acceptable en travaillant de cette manière, car je peux sans cesse corriger mes erreurs.

Cette façon de procéder amène inévitablement ma lime à griffer ici et là les parties métalliques, ce qui n'est pas un problème puisque je fabrique ces plaquettes avant de passer à la finition.

Dans le cas qui nous occupe, je me suis un peu piégé moi-même, car j'ai déjà rebronzé la carcasse de l'arme. Je voulais faire un essai de bronzage, et le résultat obtenu - le retour des taches de jaspage - m'a poussé à aller plus loin et à terminer ce bronzage. Mais là, je n'ose plus prendre le risque de devoir repolir et rebronzer encore, car je risque peut-être d'avoir un résultat décevant cette fois.

Je me vois donc forcé de fabriquer mes plaquettes sur base du modèle de celles qui étaient montées sur l'arme, sans pouvoir les ajuster sur la carcasse elle-même.

C'est une expérience nouvelle, et nous verrons que j'ai encore pas mal à apprendre, car cela m'a amené à commettre des fautes que j'aurais évitées si j'avais pu travailler comme à mon habitude.

Le propriétaire de l'arme m'ayant fait cadeau d'un certain nombre de beaux morceaux de noyer, je commence par choisir un morceau riche en veines et à déterminer l'endroit exact où tailler mes plaquettes.

Note

***Si je n'avais pas disposé de noyer, j'aurais confectionné mes plaquettes dans un morceau de hêtre, qui est également un bois dur. Et pour ce faire, j'aurais utilisé un manche de pioche ou de hache, que j'aurais teinté ensuite façon "faux ébène". Le hêtre donne des résultats très satisfaisants, il était d'ailleurs très souvent utilisé  au 19ème siècle pour la confection des crosses des fusils militaires. Il est moins cher et moins beau que le noyer, mais c'est un bois dur très solide.

Ici cependant, j'ai la chance de disposer de beaux blocs de noyer de différentes qualités. Youpie.***

Tenant compte du fait que mes plaquettes terminées ont une épaisseur d'environ 1.5 cm à la base et vont en s'amincissant vers le dessus, je commence par découper à la scie deux blocs d'une épaisseur un peu supérieure. Je les laisse à dessein trop longs pour faciliter la manipulation.

Après avoir poncé le côté interne de mes futures plaquettes, je trace au crayon la silhouette de ces dernières sur le bois, en me servant évidemment des plaquettes originales comme patron.

Ensuite, je coince mon bloc dans l'étau et je découpe la silhouette en commençant par le haut, d'abord à la scie fine, ensuite à la lime. Je commence par le haut de la plaquette, qui a une forme arrondie et deux épaulements.

Afin de pouvoir obtenir une monture la plus précise possible, j'applique le truc des crossiers, c'est-à-dire que je taille la tranche de ma plaquette en oblique, ce qui me permettra de tricher un peu si l'ajustage n'est pas bon.

Au cours du travail, je pose fréquemment ma future plaquette en place sur l'arme, de manière à l'ajuster le mieux possible. Je m'occupe surtout d'ajuster le haut des plaquettes, le reste viendra plus tard.

Je procède de la même façon pour la seconde plaquette, en l'occurrence celle de droite.

Appui du ressort

La plaquette de droite présente, du côté interne, une nouvelle difficulté. En effet, le ressort unique de ce genre de revolvers est toujours un peu plus large que l'épaisseur de la carcasse, ce qui signifie que le ressort dépasse un peu de la carcasse au niveau de son point d'appui. Il est donc nécessaire de creuser, dans la face interne de la plaquette de droite, une gorge triangulaire assez profonde, qui non seulement laissera au ressort l'espace nécessaire pour travailler, mais lui servira également d'appui.

En effet, de par sa forme et du fait qu'il travaille sur trois points avec un seul point d'appui, ce genre de ressort est sujet aux tractions en porte-à-faux. Le fond de la gorge taillée dans la plaquette lui procurera donc un second point d'appui.

Après avoir délimité l'emplacement exact de la gorge en traçant des points de repère au crayon par le côté interne, je creuse ma gorge à l'aide d'un petit ciseau de sculpteur, d'abord grossièrement, et je l'affine ensuite à l'aide d'une petite lime de section carrée.

Cette gorge est profonde dans son angle et va en s'amenuisant pour disparaître complètement juste avant le bord de la plaquette.

Ensuite, avec une grosse lime, je taille le profil extérieur arrondi de la plaquette, en réduisant son épaisseur du bas vers le haut. Puis je détermine l'emplacement du trou de la vis traversière, que je fore avec une mèche de petit diamètre.

Placement des écussons

J'ai à ma disposition deux écussons et une vis d'origine, ce qui m'évite de devoir les fabriquer.

Je vais commencer par fraiser le trou de la vis traversière avec un foret de diamètre un peu inférieur, ou égal à celui des écussons, sur une profondeur d'environ 4 mm.

Ma plaquette bien à plat sur un bloc de bois, je pose l'écusson en place, puis je le force doucement dans le trou à l'aide d'un petit marteau. Il faut travailler prudemment, pour éviter de fendre le bois de la plaquette.

Il faut souvent, pour ce faire, ajuster le diamètre du trou avec une lime ronde. En fait, l'écusson dont la tranche est striée, doit pouvoir se bloquer de lui-même dans le bois. Si le trou est trop grand, l'écusson aura tendance à tourner quand on serre la vis, ce qui est suprêmement ch....

Pour pallier à cet inconvénient, on peut soit poser une goutte de vernis dans le trou pour coller l'écusson, soit mouiller le bois et passer ensuite un fer à repasser sur le trou, pour faire gonfler le bois et augmenter la fixation de l'écusson.

Dans le cas qui nous occupe, le trou est juste à la bonne dimension, et mon écusson serre bien sans aucun artifice.

Remarque

Les écussons et vis se trouvent facilement chez tous les armuriers, et beaucoup vous vendront même pour quelques sous des pièces anciennes. Si par contre on ne dispose pas de ces pièces, on peut les fabriquer soi-même relativement facilement.

Dans un morceau de barre de cuivre (disponible dans les magasins d'outillage) de 8 mm de diamètre, on fore un trou d'environ 2 cm de profondeur, et d'un diamètre de 3 millimètres.

Ensuite on fraise ce trou juste assez pour pouvoir loger la tête de la vis.

Puis on scie une tranche d'environ 4 à 5 mm, qui deviendra l'écusson de gauche. On agrandit le trou très légèrement, de sorte que la vis puisse coulisser sans problème

Cela fait, on taille dans le reste du morceau un pas de vis, en utilisant un tarot de 3.5. Puis on coupe ce dernier également, qui deviendra donc l'écusson de droite.

En les serrant par le pourtour dans une pince, on trace des stries sur la tranche des écussons, et le tour est joué.

Une fois les écussons en place, je procède à un premier ponçage, à la lime et au papier émeri assez gros, et j'ajuste en même temps le bord de mes écussons, qui doivent affleurer la surface des plaquettes sans la dépasser.

FINITION

Il me reste maintenant à teinter les plaquettes et à les polir. Je pourrais utiliser du brou de noix pour teinter le bois, mais la teinte donnée par l'huile de lin me plait assez.

Je commence donc par monter mes plaquettes en place, puis par les poncer finement en utilisant des papiers de plus en plus fins.

Avant le dernier ponçage, je les démonte et les trempe quelques minutes dans de l'eau, pour forcer les fibres du bois à se redresser. Puis je les laisse sécher et ponce à nouveau.

Ensuite, je les enduis d'huile de lin avec un chiffon doux, et je frotte jusqu'à ce que l'huile ait pénétré le bois totalement, sans laisser de traces grasses. Puis je répète cette opération, quatre fois en tout, à un jour d'intervalle. Enfin, je passe une heure ou deux devant la télé en frottant mes plaquettes à mains nues.

Voilà, le revolver est terminé. Il revient de loin.

Je ne suis pas très satisfait de mes plaquettes, dont l'ajustage n'est pas assez bon pour moi. Je ne suis qu'un amateur, mais je sais que je pourrais faire mieux; j'ai donc déjà prévenu le propriétaire que je remplacerai ces plaquettes dans un proche avenir, afin de retrouver le sommeil.

Marcel

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