Les plus belles réalisations de cet artisan, et bien d’autres encore, se trouvent dans le livre "Les armuriers Liégeois à travers leurs réalisation. 1800 - 1950".

Pour tous les détails voir : LES ARMURIERS LIEGEOIS

Jehan Cambier

MONS MEG & DULLE GRIET

A propos des premières pièces d'artillerie de l'histoire, je découvre un texte datant de 1970 et rapporté par l'auteur américain HL Peterson à propos de la bombarde "Mons Meg" qui se trouve au château d'Edinbourg en Ecosse.

Selon cet auteur, qui émet quand même certaines réserves, cette bombarde aurait été commandée par le roi James II à un forgeron de Threave (Dieu sait où ce patelin se trouve) nommé Molise Mc Kim. En payement de son travail, ce Mc Kin aurait reçu des terres à Mollans (se prononce Mowans ou Mons), où il rencontra en outre celle qui deviendrait son épouse.

Au lieu d'espèces sonnantes et trébuchantes, notre McKin se trouva donc affublé d'un lopin de terre et d'une épouse rouspétante et jacassante, qu'il honora en donnant à sa bombarde le nom de Mons Meg.

A la même époque, l'auteur anglais Dudley Pope cite non seulement Mons Meg mais également Dulle Griet de Gand comme exemples des plus gros canons construits au Moyen Age, et dit prudemment des deux qu'ils "ont probablement été fabriqués en Flandre". Le mot "Flandre"utilisé ici ne désigne pas la région actuelle des Flandres, mais en fait toute la région qui deviendra plus tard la Belgique, et que les Français appelaient d'ailleurs "Pays-Bas".

La bombarde Mons Meg est en effet une réplique exacte, mais de taille plus réduite, du gros canon qui se trouve à Gand et que les Gantois continuent d'appeler "Dulle Griet" ou encore " 't Groot Kanon". Cet énorme canon de plus de 5 m de long se trouve au coin de deux rues très pittoresques non loin du Vrijdagmarkt. Il est peint en rouge sang comme il l'était à l'origine.

Au Moyen-Age, cette bombarde était également appelée "den grooten rooden duyvelen" (le grand démon rouge).

On remarquera en passant que le nom flamand Griet et le nom anglais Meg sont tous deux des diminutifs du nom de Margaret (ou Margriet), équivalents du français Marguerite.

Les deux bombardes furent commandées en 1449 par (ou pour) le roi d' Ecosse James II à un forgeron wallon du nom de Jehan Cambier, originaire la ville de Mons dans la future Belgique, mais établi à Tournai.

Une étude détaillée de C. Gaier nous apprend que c'est le Duc de Bourgogne Philippe le Bon qui exécuta cette commande, et que ledit Jean ou Jehan Cambier était à cette époque déjà son "fournisseur d'artillerie" attitré. Selon cette source, cette bombarde ne fut donc pas commandée directement par le roi d Ecosse, mais lui fut offerte par le duc de Bourgogne en 1457.

Cette étude est cependant consacrée à la Mons Meg seule, et ne parle malheureusement pas de sa grande soeur gantoise.

Offerte par le duc ou directement commandée par le roi d' Ecosse, Mons Meg ne semble en tout cas jamais avoir été payée à Cambier, lequel annula la livraison de la seconde bombarde Dulle Griet. Celle-ci fut vendue un peu plus tard à la ville d' Audenarde, située à environ 40 km au sud de Gand.

Elle resta dans cette ville jusqu'en 1578, puis fut transportée à Gand sans qu'on sache exactement si les Gantois, ennemis jurés des habitants "d'Aldenaerde", l'ont achetée ou volée.

Selon les archives gantoises de l'époque, elle fut livrée par voie fluviale à Gand en date du "martius den 8e " (ou le 8 mars) de l'année 1578, au lieu dit " 't Cuupgat bij die Freemineuren" (marché près des Frémineurs).

Les deux canons sont fabriqués selon la méthode qui consistait à forger ensemble des barres de fer droites autour d'un mandrin, et de les consolider ensuite avec des cercles de fer, dilatés par chauffe et brusquement refroidis à l'eau pour provoquer un retrécissement, à la manière des barriques. Ils ont tous deux une chambre séparée, mais n'étaient pas prévus pour un chargement par l'arrière.

Dulle Griet pèse à ce jour 12.5 tonnes et a un calibre à la bouche d'environ 90 cm. On estime que la rouille lui a fait perdre environ 100 kg de son poids initial au cours des quelque 550 années de son existence.

Ce canon pouvait tirer un boulet de pierre de 250 kg à une distance de 2.500 m, ou un boulet de fer de 400 kg à la moitié de cette distance. Il a 5 m de long et porte les armoiries de Bourgogne, la croix de St André et le goedendag des Eperons d'Or.

Mons Meg pèse environ 8 tonnes et est évidemment d'un calibre plus petit. Après la mort de James II, l'arme fut négligée pendant près de 150 ans, puis nettoyée et remise en service au château d'Edinbourg pour les semonces et les cérémonies.

Au cours de la cérémonie d'accueil d'une autre roi James, en 1680, il fut chargé trop fort et l'explosion de la charge provoqua une déchirure dans les flancs du tube près de la chambre. Il ne fut jamais réparé mais resta au château.

Selon certains bruits non confirmés, la ville de Sluis aurait conservé dans ses archives une copie du manifeste du navire ayant transporté Mons Meg et du décompte établi par Cambier. Par ailleurs, un document comptable conservé dans les archives de la ville de Lille prouve le titre officiel de "fournisseur d'artillerie" de Jean Cambier.

La manière dont ces canons sont fabriqués ainsi que les variations de qualité de la poudre noire dont les ingrédients étaient souvent transportés séparément et mélangés sur place, en faisait des armes très peu fiables. Les explosions n'étaient pas rares, et on peut dire que ces bombardes étaient plus dangereuses pour leurs servants que pour ceux sur qui on tirait. L'effet psychologique de la flamme et du tonnerre au départ du coup avaient sans doute plus d'effet que le gros boulet de pierre.

Il faut imaginer la somme d'efforts et d'énergie nécessaires au déplacement de ces énormes pièces, ainsi que la difficulté de leur mise en batterie. Une fois en place, ces bombardes ne pouvaient plus être déplacées, et tout réglage de visée était exclu. Elles ne pouvaient tirer qu'une dizaine de coups par jour au maximum, et si leurs gros boulets de pierre parvenaient à ouvrir des brêches dans des murailles pas trop épaisses, ils étaient pratiquement sans effet contre l'infanterie et la cavalerie, qui pouvait les voir arriver de loin et les éviter assez aisément.

Avec l'énorme "canon des Dardanelles", bombarde en bronze coulé de 17 tonnes fabriquée en 1464 pour le sultan turc Mohamet II et exposé à présent dans la cour de la Tour de Londres, ces bombardes sont parmi les plus gros canons jamais construits.

Marcel

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